La suppression du latin et du grec comme disciplines est entérinée. Un attentat contre la culture, et surtout contre l'égalité.
Par Sophie Coignard
La curiosité n'est emprisonnée dans aucune catégorie "socioculturelle". L'envie d'apprendre non plus. C'est pour cette raison, entre autres, que l'apprentissage du latin et du grec font partie des "humanités". Humanités : un terme que le Conseil supérieur de l'éducation semble avoir rayé de sa carte. Mardi 10 mars, il a approuvé le projet de réforme des collèges, aux termes duquel ces langues anciennes deviennent de simples "EPI", des enseignements pratiques interdisciplinaires, au même titre que "corps, santé et sécurité" ou encore "monde économique et professionnel".
Alors que la ministre de l'Éducation nationale répète à l'envi l'importance de la maîtrise du français et de la citoyenneté, de telles dispositions démentent tous ses discours : comment comprendre
les mots et la démocratie sans savoir d'où ils viennent ?
Il n'existe aucune autre matière, enseignée dès le collège, à propos de laquelle tous les élèves se trouvent à ce point sur un pied d'égalité : les parents peuvent bien être des cadors de la finance,
des as du CAC 40, ils ne sont, la plupart du temps, d'aucun secours pour donner un coup de pouce à leur enfant en grec ou en latin. Mais voilà : ces matières souffrent d'un délit d'élitisme, comme il
existe un délit de sale gueule.
Réservé à une élite
Le résultat de cette brillante réforme est d'ores et déjà prévisible : le latin et le grec continueront d'être enseignés dans quelques établissements d'exception, auxquels les enfants des classes les plus modestes n'ont presque jamais accès. Partout ailleurs, ils seront réduits à l'état d'activités récréatives, où il sera question, dans le meilleur des cas, de récits de civilisation et de mythologie, mais en aucun cas d'apprentissage rigoureux d'une langue.
Dans le compte rendu d'une réunion du 31 mars 2015 des associations de défense des langues anciennes avec le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, il apparaît que les élèves pourront, "s'ils le
veulent", obtenir un complément de langue. Comment demander à un élève de collège de revendiquer l'apprentissage du grec ou du latin ? Seuls les parents éclairés parviendront, dans le meilleur des
cas, à l'exiger.